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Philippe ContalTisserand numérique Créateur de #TerritoireDigital www.PhilippeContal.info Recherche
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"La lenteur est une richesse du temps."
Hartmut Rosa, sociologue et philosophe allemand (1965- ) Temps plié Laissant mon environnement urbain habituel pour l'arrière-pays, je contourne le Pic Saint-Loup pour suivre le dessin sinueux des gorges de l'Hérault. La route me projette sur le fil de la montagne, surplombant le cours d'eau, puis m'invite à une descente au fond de la vallée encaissée. Après plusieurs kilomètres sur une route étroite, je découvre une chute d'eau, le barrage de Belbezet. La puissance de l'eau est à l'origine de trois très belles chutes, dévalant les rochers sur une dizaine de mètres en créant un brouillard blanc aux formes vivantes. Quelques centaines de mètres plus loin, en aval, l'Hérault retrouve son calme. Un autre cours d'eau dévale la pente, passe sous la route en empruntant un pont aux pierres apparentes, traverse un champ humide, puis rejoint le cours d'eau en se jetant tel un sportif depuis un plongeoir olympique. Quelques restes de constructions étranges jonchent le sol humide. Pierres taillées en parallélépipèdes ou en arc, empilées en témoin d'une construction disparue ou dispersées dans l'herbe, isolées ou fusionnant avec les rochers, elles donnent une étrange allure, hors du temps. Etait-ce un pont ? Une maison ? Un moulin ? Deux heures avant qu'il se couche, le soleil est encore haut, mais la profondeur des gorges plonge déjà la nature dans la pénombre. Seules les hauteurs sont illuminées par les rayons du soleil, rougeoyant au-dessus de la vallée grise et verte. L'appareil photo monté sur le trépied posé sur mon épaule, je saute d'une roche à l'autre, me rapprochant de l'eau du petit fleuve. J'installe mon équipement, et commence à réaliser quelques clichés avec différents paramètres : temps de pose, ouverture, cadrage… L'eau qui se jette depuis le haut des rochers prend une allure de brouillard avec la pose longue, alors que le cours d'eau au fond de la vallée semble inchangé, insensible. La vitesse donne un rendu bien différent aux gouttelettes. L'eau accélère en dévalant, stagne dans le champ, reprend de la vitesse en se projetant dans l'Hérault. Les gouttelettes perdent leur individualité temporaire pour se fondre dans le cours d'eau. Certaines stagnent sur les bords de l'eau, dans des zones peu perturbées alors que d'autres se joignent au courant blanchâtre pour disparaître et se fondre dans les eaux d'un vert impénétrable. J'associe souvent le temps et l'eau qui s'écoulent, avec des rythmes variables, des tourbillons, des accélérations et des ralentissements. C'est dans ce temps-là que nous vivons, et non pas dans le temps géométrique et découpé, linéaire et semblable de l'horloge. Notre horloge intérieure a besoin de rythmes variés. Il existe des cycles imposés par la nature : le cycle diurne, dicté par la rotation de la terre sur elle-même, le cycle lunaire, le cycle solaire. D'autres éléments influencent notre état intérieur, qui ne peut se résumer à un cumul d'instants élémentaires, identiques et tous points. Nous avons tous fait l'expérience d'une attente interminable et d'un plaisir intense. L'un et l'autre peuvent avoir la même durée sur notre montre. Et pourtant, notre vécu est totalement différent. L'eau qui s'écoule sur la pierre, caressant les branches d'arbre, lustrant la roche et drainant la terre me rappelle ce principe fondamental. En augmentant le temps de pose de mon appareil photo, je permets aux gouttelettes d'eau d'apparaître en plusieurs points de la photographie, créant l'effet de brouillard caractéristique. Au premier plan, l'eau s'apparente à une brume neigeuse. Lorsqu'elle rejoint le cours d'eau, elle se transforme pour prendre une apparence verdâtre. Ainsi je laisse le temps à l'eau qui s'écoule pour qu'elle prenne une autre dimension. Au quotidien, il est également nécessaire de se créer des « bulles de temps », pour prendre conscience de notre Présent. Trop souvent, nous fuyons un passé. Nous nous projetons dans un futur inaccessible en oubliant que c'est dans le présent que nous vivons en permanence. Et cet instant présent peut être dilué dans une durée ou raccourci dans un temps plié. Déplier le temps pour en extraire chaque parcelle. Cette forme de méditation fait disparaître le temps séquentiel pour nous faire retrouver le temps de la Vie, le temps qui permet la coexistence. Au quotidien, prenez le temps, ne serait-ce que pendant une minute, de profiter de cette bulle de l'Instant. Dépliez ce qui paraît compressé par la contrainte de la modernité. Fermez les yeux et retenez ce que vous vivez. N'oubliez pas ce que vous avez été. Ne fermez pas votre esprit à ce qui sera. Mais absorbez l'énergie présente, celle qui vous habite et vous soutient.
Note : sur Voyage immobile, un "tableau" est la combinaison d'une photographie, d'une citation et d'un rédactionnel de l'auteur. | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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