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Philippe ContalTisserand numérique Créateur de #TerritoireDigital www.PhilippeContal.info Recherche
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"Ne croyez aucune autorité, vérifiez par vous-même,
réfléchissez, pensez, développez vos propres idées, n'arrêtez jamais." Gert-Martin Greuel, mathématicien allemand (1944- ) Message 17 h, le 1er décembre, en bord de mer à Villeneuve-lès-Maguelone... Quelques personnes marchent sur le sable. Comme dans un rêve, leurs ombres s'éloignent dans la lueur du soleil couchant, s'évanouissant dans la clarté rouge orangée. La mer lèche doucement la plage, de ses vagues aux lèvres recouvertes d'une mousse blanche et pétillante. Les pieds dans l'eau (ce que je regretterai le lendemain), je tente d'immortaliser cet instant coloré. La richesse du dégradé orange et bleu rappelle un combat symbolique entre le feu et l'eau. Rehaussé par la brume de l'horizon, le soleil se pare d'une aura surnaturelle. Un autre photographe hante les lieux. Nos regards auront-ils capté la même chose ? Manifestement non. Nos positions sont différentes et nos visées le semblent également. C'est une des magies de la photographie. Elle permet de figer un regard. Et comme chaque point de vue est différent, l'art du photographe reste très personnel. Fusion de ce qui est avec l'état intérieur de celui qui regarde, échantillonnage d'une réalité soumise à l'œil enchanteur de l'artiste, la photographie est un art que la technique ne vient qu'assister. Le soleil se rapprochant de l'horizon, les objets célestes nocturnes commencent leur spectacle scintillant. Vénus apparaît, prenant le relais du soleil dans la pénombre grandissante. Quelques étoiles la suivent sur le fond dont le bleu s'assombrit progressivement. Le dégradé des couleurs est vivant, en particulier au-dessus de la mer. L'orange vif qui entourait le soleil se transforme en teintes pastelles. Alors que j'attends, perché sur un promontoire bétonné, que le ciel se remplisse d'étoiles, deux voitures se garent sur le parking situé à quelques dizaines de mètres seulement. Les lampadaires sont éteints. Le parking reprend rapidement sa noirceur nocturne jusqu'à ce quelques flammes entourent les deux véhicules. Intrigué, je vois les silhouettes s'affairer autour de trois sources lumineuses. Après quelques tentatives laborieuses, rendues probablement encore plus délicates par le vent, je constate qu'il s'agit de lanternes volantes. Sur les trois montgolfières miniatures, une seule prend l'air. Accompagnée naturellement par le vent en direction de la mer, la source lumineuse s'éloigne dans le ciel, devenant un nouveau point scintillant. Une nouvelle « étoile » est née. Sa courte vie emporte-t-elle un rêve ? Est-elle le véhicule d'un vœu, l'accompagnant ainsi sous d'autres cieux ? Feu de camp, lanterne volante, OVNI, nouvelle étoile qui s'évanoui dans le firmament... En quelques minutes, je viens de vivre une brillante démonstration de ce à quoi aboutissent immanquablement des interprétations basées sur des informations incomplètes. Même maintenant que l'objet a été clairement identifié, il n'en reste pas moins que les intentions qui en sont à l'origine me sont parfaitement inconnues. Les auteurs ayant repris le chemin du retour, je ne peux que jongler entre différentes hypothèses. Quelques jours plus tôt, j'ai pu voir le même phénomène avec la comète ISON. Découverte en septembre 2012 sous le nom peu évocateur de C/2012 S1, cet objet échappé du nuage d'Oort est passé à son périhélie (le point de sa trajectoire le plus proche du soleil) le 28 novembre 2013. Jusque-là, personne ne pouvait prédire si la comète tiendrait sa « promesse » d'illuminer le ciel en décembre en s'éloignant de notre étoile. Passionné par les phénomènes astronomiques et astrophysiques, j'ai suivi de près les informations qui pouvaient être diffusées sur ce sujet. Les sources furent variées, qu'elles soient officielles ou non, relayées par des astronomes amateurs ou fantaisistes à l'imagination sans limite. Avant le 28 novembre, j'ai pu lire de nombreuses informations, mais le plus drôle fut pendant que la comète passait derrière le soleil. A raison de plusieurs dizaines de tweets à la minute, dans – presque – toutes les langues de la planète, quelle ne fut pas ma surprise de voir des conclusions affichées avec détermination alors que rien ne pouvait nous permettre d'être dans l'affirmative ! Mais que l'on parle d'une lanterne volante lancée sur un bord de plage ou d'une comète au destin incertain, il s'agit là d'événements ayant un support matériel, un objet. Les sciences « dures » (physique, mathématiques...) nous ont appris l'humilité. L'incertitude a pris place au sein même des formules mathématiques, en introduisant la complexité et les probabilités. La matière ne nous apparaît plus aussi dense que nos sens ne nous le laissent percevoir. A l'inverse, les sciences humaines ou sciences « molles » se sont arrogé le droit de prédire mathématiquement des phénomènes. Pire encore, dans des univers complètement dépendants de l'humeur des hommes comme l'économie ou la finance, certains arrivent à faire des pronostics à long terme alors qu'ils sont dans l'incapacité de prédire ce qui va se passer le jour même ! Comble de cet orgueil d'un nouveau genre : les prévisions d'hier démenties aujourd'hui sont revues et corrigées. Elles cèdent le pas à de nouvelles estimations, en nous projetant dans une amnésie totale des visions précédentes ! Avez-vous regardé, aujourd'hui, des journaux télévisés des années 2007 et 2008 ? Très franchement, vous devriez... vous vous rendrez compte à quel point les informations sont modifiées, déformées, interprétées, diffusées... puis oubliées. Et pour servir qui ? Grande question... sans vraie réponse car les grands bénéficiaires ne sont pas sous le feu des projecteurs. La seule chose à faire, comme le dit très justement le mathématicien Gert-Martin Greuel, c'est de chercher des sources différentes, d'expérimenter, de comparer, et d'admettre que nous sommes le plus souvent face à des hypothèses et non à des conclusions. Nous sommes entrés dans l'ère de l'information. Nombre d'auteurs ont déjà utilisé le jeu de mot de « l'ère de la désinformation ». Mais c'est aussi faux que de croire les premières réponses de nos moteurs de recherche préférés. Savez-vous, par exemple, que les réponses que vous donnent ces outils tiennent compte de vos préférences et habitudes ? Dans la « vraie vie », nous avions nos comportements et il était aisé de comprendre que les informations auxquelles nous avions accès étaient limitées par nos choix. La sélection dans une bibliothèque ou le choix délibéré de telle ou telle revue donnaient lieu à un filtre conscient. Mais aujourd'hui où bon nombre d'entre nous considère que les réponses numériques sont « La Vérité », le danger est encore plus grand. Ce n'est plus l'ère de l'information, mais la guerre de l'information et de sa maîtrise. Il y a une quinzaine d'années, j'écrivais un article sur l'intelligence économique dans le cadre de la revue « Les cahiers de Mars »1. Industriel à l'époque, je voyais le risque de l'information par le prisme certes passionnant mais réducteur, de l'entreprise. Mais aujourd'hui, chacun d'entre nous est devenu un neurone, un maillon d'un gigantesque réseau aux formes fluctuantes, inventant des informations, les relayant, les amplifiant, les teintant d'interprétation... Peut-on faire confiance à la loi des grands nombres pour tempérer et éviter les dérives ? C'est ce que voudraient nous faire croire les financiers lorsqu'ils invoquent la sacro-sainte « loi du marché ». On en connait le résultat. Ou l'aurait-on déjà oublié ? Par le nombre, le système est devenu complexe. De cette complexité est née une nouvelle forme de déresponsabilisation qu'illustre brillamment Voltaire : « Dans une avalanche, aucun flocon ne se sent responsable. » Avant de conclure, ouvrons nos sens aux informations contradictoires. Lorsqu'il n'y a plus de contradiction, il y a de fortes probabilités pour que les opposants aient été anéantis. Tant qu'il y a débat, le champ des possibles est ouvert. L'essentiel n'est surtout pas de formater les populations à une monoculture planétaire. Œuvrons pour enrichir l'Humanité et faire vivre ses différentes composantes, dans leur diversité et leur hétérogénéité. Mais ne nous laissons pas endormir par de faux débats qui ne visent qu'à occuper notre esprit et à détourner notre attention. C'est dans l'esprit critique que se situe notre Humanité. Mais ce sont nos petites « folies » qui nous permettent de nous dégager du carcan d'un quotidien répétitif et contraignant. Soyons fous, soyons humains ! 1 Revue militaire de l'École de Guerre, n° 192, troisième trimestre 1999
Note : sur Voyage immobile, un "tableau" est la combinaison d'une photographie, d'une citation et d'un rédactionnel de l'auteur. | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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