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Philippe ContalTisserand numérique Créateur de #TerritoireDigital www.PhilippeContal.info Recherche
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"La plus grande faiblesse de la pensée contemporaine
me paraît résider dans la surestimation extraordinaire du connu par rapport à ce qui reste à connaître." André Breton, écrivain, poète, essayiste et théoricien du surréalisme (1896-1966) Prison illusoire 5 h du matin, sur le sable de la plage, à Villeneuve-Lès-Maguelone… La Voie lactée est encore ténue à cette période de l’année. Elle se déroule, accompagnant la planète Vénus dans son chemin céleste, comme le voile d’une déesse aux cheveux d’ange. Composée de sable et de cailloux, la plage est caressée par le ressac de la mer qui donne l’impression de vouloir l’engloutir par son incessant mouvement de vagues. Plusieurs barrières de bois semblent vouloir contenir le sable, comme si une passoire pouvait retenir durablement la poussière. Arpentant la plage, je remarque un tuyau incongru qui longe la plage, véritable témoignage de notre capacité à nous approprier le moindre recoin de nature dans notre course folle, dénuée de Conscience. Le tuyau envahisseur, la barrière ridicule, le sable fin... le premier plan ne me fait cependant pas oublier l’espace de la mer qui semble infini, puis l’immensité interstellaire qui veille dans le ciel, insensible aux spasmes des civilisations humaines qui se succèdent en se croyant plus abouties que les précédentes. Un arbre mort se dresse devant moi, comme le défunt d’une tentative d’évasion ratée. Squelette desséché, il me fait penser à nos projets ratés, abandonnés faute d’avoir osé dépasser les frontières de notre prison illusoire, essentiellement constituée par nos certitudes et une forme de confort intellectuel. N’est-il pas préférable de sortir de cet espace confiné pour explorer l’infini des possibles ? Bien sûr, surtout en bord de mer, on me rappellera qu’il faut faire attention au chant des sirènes. Mais n’est-ce pas encore un moyen de se limiter, en préférant le petit terrain de jeu connu aux grands espaces inconnus ? L’aventure ne consiste pas à faire le tour du monde sans repère ni objectif. La véritable aventure passe par l’exploration de nous-mêmes, confrontés à des situations inconnues, nous mettant face ce que nous sommes plutôt qu’à un environnement hostile qui n’a pas besoin de nous. Défis, cibles et objectifs doivent être notre système référent, évoluant en permanence. La mobilité est avant tout un état d’esprit, capable de saisir des opportunités dans un environnement incertain. Belle idée en vérité… mais en pratique ? Nous sommes constitués d’un esprit égaré dans un corps qui lui sert de véhicule. Temporairement – encore que cela ne soit pas certain - , nous limitons notre vision de nous-mêmes à cet espace réduit de notre corps, le maltraitant le plus souvent faute de lui reconnaître sa capacité extraordinaire à nous véhiculer et sa relative fragilité. Est-il pour autant raisonnable de sombrer dans un individualisme sans borne en nous imaginant déconnectés du reste du monde ? Car c’est bien là le piège de l’individualisme : nous couper de toute capacité à apprendre et à Vivre. Comme le neurone a besoin de son réseau synaptique pour exister, nous avons besoin de relations intimes et d’autres plus ténues. Et ce n’est pas les réseaux sociaux qui vont combler ce besoin naturel. Qu’ils puissent entretenir une relation est indéniable, mais cet outil reste un moyen artificiel, un goulot d’étranglement dans le champ infini de la véritable connexion entre les êtres humains. Mais dans notre société « structurée », nous avons inventé une quantité effroyable de contraintes aussi inutiles que réductrices. Passons sous silence celles que nos instances dirigeantes nous imposent avec plus ou moins de prestance médiatique (il y aurait trop à dire…) et restons-en aux barrières que nous nous infligeons quotidiennement, parfois par pure crainte du changement, d’autres fois par manque d’imagination pour d’autres alternatives. Les conditions initiales orientent notre trajectoire de vie. Le contexte familial, nos rencontres et le « bain » dans lequel nous évoluons créent un environnement que l’on prend généralement pour déterminé, stable et difficile à remettre en cause. Comme l’arbre desséché devant la barrière, nous restons devant l’infini alors qu’il nous suffirait de lever la jambe pour passer au-delà et découvrir d’autres horizons. Si je me place au niveau du sol, je risque fort de croire la barrière insurmontable. Si je me tiens debout, elle prend sa réelle dimension, aussi ridicule qu’un trottoir. Qu’est-ce qu’être debout dans la vie courante ? Tout simplement vivre en regardant les choses en face, prendre un peu de hauteur devant les buissons secs qui envahissent notre champ de vision. Cessons de ramper devant nos illusions ! Faisons honneur à notre capacité à découvrir, à inventer et à construire. La grande majorité des difficultés que nous rencontrons quotidiennement trouvent leurs origines et leur consistance dans nos croyances. Plus nous les croyons importantes, plus elles le deviennent. A l’inverse, si nous les considérons pour ce qu’elles sont – des fantômes de notre imagination - , elles se désagrègent comme par enchantement. La magie existe, mais elle n’a pas besoin de baguette magique. Notre esprit suffit à lui donner vie. Sur la gauche, la lumière du phare éclaire la mer de son faisceau périodique. Je souris en regardant ce clignotant orangé qui se démarque sur l’horizon linéaire de l’eau calme. Vénus, quant à elle, progresse dans le ciel. Son voile disparait peu à peu avec l’approche de l’aurore. Je plie mon équipement photographique. Je salue mon compagnon dont la silhouette se dresse vers le ciel. J’enjambe les morceaux de bois qui ont cru m’enfermer, puis ce tuyau noir qui n’a décidément pas sa place ici… Les vagues m’accueillent sur le bord de la plage. Une belle journée s’annonce…
Note : sur Voyage immobile, un "tableau" est la combinaison d'une photographie, d'une citation et d'un rédactionnel de l'auteur. | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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