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Philippe ContalTisserand numérique Créateur de #TerritoireDigital www.PhilippeContal.info Recherche
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"Les faits ne cessent pas d'exister parce qu'on les ignore."
Aldous Huxley, écrivain britannique (1894-1963) Songe d'une nuit Arrivé en fin de matinée dans les environs de Bugarach, j’ai passé une partie de l’après-midi sur cette montagne singulière. J’ai donc escaladé les flancs du plus haut point du massif des Corbières, au cœur de l’Aude, emmitouflé dans plusieurs couches pour me protéger du vent et du froid. A mi-parcours, j’ai été très surpris de l’absence totale de courant d’air. Comme dans une bulle protégée des mouvements de l’air qui semblaient pourtant envelopper l’intégralité de la montagne, j’ai profité de cet espace privilégié. Quelques mètres carrés délimitent ce lieu que rien n’indique. Il n’est ni encaissé ni protégé par une haie végétale. Mais je saurais le retrouver sans difficulté. Couché dans l’herbe, les yeux fermés, je me suis réchauffé avec les rayons du soleil hivernal. Ce fut une étrange sensation, coupé du vent mais l’entendant dans les branches, comme dans un film ou dans un rêve dans lequel certains sens apportent des informations contradictoires. Entendre le vent, en voir les effets dans les arbres et buissons sans le sentir sur la peau… Après cette halte hors du temps, j’ai repris mon ascension pour me rendre à quelques mètres du sommet. Je souhaitais prendre le coucher du soleil en photo, mais la météo en a décidé autrement. Le ciel était très clair le matin, mais une épaisse couche de nuages commençait à couvrir les Corbières, augmentant le contraste entre le soleil voilé et le creux des vallées, plongées dans la pénombre. L’escalade du Bugarach est aisée tant que l’on reste sur les champs parsemés de rochers. Sur les hauteurs, les taillis durs et denses rendent difficile la progression mais plus encore le retour. En montant, l’objectif est simple à visualiser : c’est le sommet. Du fait qu’aucun chemin n’existe, la promenade en sens inverse est beaucoup plus délicate. A plusieurs reprises, j’ai dû remonter pour changer de parcours. Quelques heures plus tard, après être parti en reconnaissance à différents endroits autour de la montagne, j’ai laissé ma voiture au centre du village qui porte le même nom. Peu de véhicules perturbent la tranquillité de ces lieux en apparence retirés du monde. Seul dans les champs, je cherche le bon point de vue pour figer le Bugarach sous les étoiles. Le village marque sa présence de ses feux étincelants. Les éclairages des ruelles et monuments prennent un ton jaune doré dans cette ambiance nocturne. La lune fera son apparition dans une dizaine de minutes, mais elle rétroéclaire déjà les nuages qui envahissent l’horizon, leur apportant une lumière blafarde, atténuant les effets dévastateurs des éclairages artificiels. Dans le ciel, sur la gauche, Jupiter brille de tous ses feux. La présence de trois de ses satellites, Europe, Ganymède et Callisto, ajoutera encore un peu de lumière à la planète géante sur la photographe en pose longue. Orangée, Bételgeuse domine le Bugarach. Cette supergéante rouge de la constellation d’Orion se repère aisément par sa couleur. Avec ses trois sœurs, Bellatrix, Rigel et Saïph, elle encadre le baudrier d’Orion, reconnaissable par ses trois étoiles presque alignées. Il suffit de quelques minutes, éloigné des éclairages artificiels, pour découvrir et profiter du ciel étoilé. Dans une civilisation qui se coupe elle-même de ses origines par un assemblage d’artifices à l’intérêt le plus souvent introuvable, les photographies nocturnes rappellent ce spectacle nocturne auquel nous nous soustrayons trop souvent. Lors de mes expositions, il n’est pas rare que j’entende la réflexion : « il y a autant d’étoiles dans le ciel ? » Oui… il suffit le plus souvent de regarder ! Les étoiles continuent leur balai rythmé, sans se soucier des éventuels spectateurs. Nous préoccupons-nous de la vie des fourmis ou des acariens ? Sauf s’ils nous dérangent… ces petits êtres sont totalement absents de nos préoccupations. Ainsi, ce n’est pas en ignorant des phénomènes qu’ils cessent d’exister. Il faudrait se le rappeler plus souvent. Dans un monde de manipulation de l’information, masquer une partie de la réalité est devenu un sport auquel s’adonnent joyeusement ceux qui nous gouvernent. Oublier la dette ne la fait cependant pas disparaître. Maquiller le nombre de chômeurs ne leur donne pas une existence sociale. Refuser d’assumer les erreurs en leur attribuant d’autres origines ne résout pas les problèmes. La liste est longue… comme l’infini de l’Univers dont j’entrevois une mince parcelle sous ce ciel qui scintille. Aujourd’hui, pour se rapprocher d’une ébauche d’objectivité, nous avons la chance de pouvoir diversifier nos sources. Par les voyages ou les lectures hétérogènes, par les contradictions des discours et les débats qui en prolongent les points de friction, nous avons la possibilité de distinguer les événements de leurs multiples couches interprétatives. Ne gâchons pas la fantastique opportunité que nous avons en ce début de troisième millénaire. Ne fermons pas nos horizons avec des certitudes ou des autocensures. Sans la fuir, éloignons-nous des bruits de la civilisation et renouons le contact avec cette réalité naturelle dont nous sommes issus. Nous sommes une combinaison de chair et d’essence. Notre véhicule terrestre ne doit pas nous faire oublier notre spiritualité, notre capacité à transcender notre individualité. Notre condition sociale ne doit pas prendre le pas sur nos aspirations transpersonnelles. Travailler et développer notre identité sociale tout en dynamisant notre vie spirituelle : tel est le véritable défi de l’Être Humain.
Note : sur Voyage immobile, un "tableau" est la combinaison d'une photographie, d'une citation et d'un rédactionnel de l'auteur. | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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