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Philippe ContalTisserand numérique Créateur de #TerritoireDigital www.PhilippeContal.info Recherche
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"C'est une erreur de vivre selon le mode d'autrui
et de faire une chose uniquement parce que d'autres la font. C'est un inestimable bien de s'appartenir à soi-même." Sénèque, philosophe latin (4 avant J.-C. - 65 après J.-C.) Hors du temps Quelques explications peuvent être nécessaires pour comprendre cette photographie nocturne. Prise à 23 h 51 un soir d'été (le 24 juillet 2013), cette vue utilise la lumière de la (presque) pleine lune qui se lève au-dessous de l'horizon (sur la gauche). Cet éclairage permet de capter à la fois les détails du premier plan (la citadelle de Montségur) et l'arrière-plan étoilé. Pour obtenir un tel résultat, l'essentiel, en dehors de la présence en ces lieux au « bon moment », est de photographier avec une pose longue. Dans le cas présent, le temps de pose est de 25 secondes, avec une ouverture maximale du diaphragme de l'objectif pour capter la faible lumière de la nuit. Pour les amateurs de photographie, voici quelques détails techniques complémentaires : Nikon D800 Nikkor 10-24 mm (14 mm) ISO-500 F/2.8 25 secondes Mais en dehors de la technique, photographier Montségur la nuit est avant tout une sensation… d'être hors du temps. Le chemin qui mène à la citadelle usée par le temps passe par un sous-bois. La lampe de poche ou frontale est évidemment indispensable pour emprunter cet accès où seul le goût n'est pas activé parmi les sens. Le sol rendu humide par la condensation sur les pierres qui refroidissent, l'odeur de la végétation, le son du vent dans les arbres mis en harmonie avec celui des animaux et l'ambiance réduite par le champ visuel nocturne, limité par le fin faisceau lumineux accompagnent l'explorateur jusqu'au sommet de la petite montagne à la forme si particulière. Si le goût n'est pas activé, c'est au sixième sens de prendre le relais. Car ici, à Montségur, il y a ce que nous pouvons percevoir de manière objective, rationnelle… mais également cet univers plus étrange de la sensation directe d'une autre forme de réalité, plus difficile à exprimer et à partager. Est-ce une particularité du lieu ou simplement le fait de s'être éloigné du carcan quotidien qui nous occupe et nous fait baigner dans un univers artificiel, déconnecté de nos origines ? Mais au final, cette question a-t-elle une importance ? Oui, je le pense, car l'expérience de la photographie nocturne me permet de découvrir et appréhender différents lieux chargés ou non d'histoires et de légendes. Aujourd'hui, je suis certain qu'il ne s'agit pas seulement des lieux mais essentiellement de l'éloignement de notre bain illusoire d'homme « moderne ». Et pourtant, je reste un parfait exemple d'Homo sapiens technologicus. Téléphone portable qui sert parfois à m'orienter dans la forêt mais également me rassure en cas de problème, appareil et accessoires photographiques, lampe frontale… me voici greffé de technologies qui me font ressembler à un astronaute qui foule le sol lunaire. Je ne suis pourtant pas le premier à suivre ce chemin qui mène à la citadelle du vertige1. Après le sous-bois aux allures de tunnel végétal, le ciel se dégage, une lumière vive éclaire le ciel. C'est la lune, au lendemain de sa plénitude. Encore très présente dans le ciel, elle apporte suffisamment de luminosité pour me permettre de continuer ma progression sans la lumière de mon œil cyclopéen artificiel. Mes yeux s'habituent rapidement à ce nouveau seuil de visibilité. L'ambiance est toute autre car elle n'est pas enfermée dans un cône de lumière mais englobe la totalité de mon environnement. Quelques crapauds immobiles semblent me montrer le chemin. Plus gros que mes deux mains réunies, ces animaux semblent pétrifiés dans la nuit. Arrivé au sommet, le vent a disparu. C'est une étrange sensation. Plus aucun souffle ne vient animer les feuilles des arbres. Le silence règne en maître en ces lieux mystérieux. Récent, un escalier en bois permet l'accès à l'intérieur de l'enceinte fortifiée. Aux alentours de minuit, je suis seul dans la forteresse. Mais cette solitude ne m'isole pas. Elle me reconnecte à cet environnement particulier, élargit ma perception et mon champ de conscience. Couché sur le sol rocheux, j'admire le ciel étoilé que quelques nuages voilent de temps à autres. Bizarrement, une étrange sensation me donne le vertige. Contemplant les étoiles, j'ai l'impression de tomber vers elles, comme si la gravité était inversée. Aspiré par la voûte étoilée, je quitte temporairement mon corps pour faire un voyage à la vitesse de la pensée. Plus rien ne m'arrête durant cette exploration hors du temps… J'ai passé plus de trois heures au sommet du pog, admirant le paysage, la citadelle médiévale, la végétation et les rochers qui l'environnent. Quelques centaines de photographies nocturnes plus tard, le vent avait tourné, les branches et feuilles avaient repris leur chant rythmé par le souffle chaud. J'ai repris le chemin en sens inverse pour retrouver l'ambiance humanisée du village. L'heure avancée de la nuit avait fait déserter les ruelles étroites de Montségur. De retour à l'Auberge de Montségur2, je n'ai pas manqué de regarder les clichés. Ciel étoilé, lumière lunaire, couleurs surprenantes avec l'éclairage mixte de notre satellite et des lampadaires du village… autant de déclinaisons surprenantes de la « citadelle cathare » pour une nouvelle manière de la découvrir et de la vivre. Retour aux sources pour un nouveau départ… 1 En hommage au remarquable livre de Michel Roquebert et Christian Soula (photographies), Citadelles du vertige, Imprimerie Régionale 1966, Éditions Privat 1972 2 Auberge de Montségur (ancien Hôtel Costes), www.aubergemontsegur.com, dont je remercie Pierre-René Debris, le propriétaire charismatique et chaleureux pour l'accueil lors de ce court mais très agréable séjour
Note : sur Voyage immobile, un "tableau" est la combinaison d'une photographie, d'une citation et d'un rédactionnel de l'auteur. | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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