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Philippe ContalTisserand numérique Créateur de #TerritoireDigital www.PhilippeContal.info Recherche
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"La valeur d'une image se mesure à l'étendue de son auréole imaginaire."
Gaston Bachelard, philosophe et épistémologue français (1884-1962) Jupiter Nous avons tous fait l'expérience des nuages prenant une forme qui nous rappelle un objet, un animal ou une personne. Nous avons également laissé notre imagination dériver en regardant le résultat d'une tache d'encre sur une feuille de papier pliée1. En me promenant dans la forêt, à plusieurs reprises, j'ai remarqué la forme particulière d'arbres qui s'élançaient vers le ciel. Celui-ci a attiré mon attention par son horizontalité temporaire comme si, malgré des difficultés dans ses premiers mètres de croissance, l'arbre avait finalement rejoint le chemin de la lumière, se dressant pour retrouver sa verticalité naturelle. Tournant autour du tronc en forme de «S», je vis alors le signe astrologique de Jupiter, également signe alchimique de l'étain. Certes, il s'agit là d'une interprétation toute personnelle de la forme créée par les troncs d'arbres. Mais pouvons-nous prétendre à l'objectivité ? Notre vie durant, nous bâtissons une grille de lecture personnelle. Au départ, elle puise dans notre environnement direct, au travers de notre apprentissage et de nos expériences personnelles. Puis elle se cristallise, se solidifie pour nous faire croire à des certitudes. La Réalité ne nous est pas accessible car nous ne pouvons l'appréhender qu'au travers de nos sens, dans une étroite bande passante, déformée plus encore par nos différents filtres d'interprétation. A cela s'ajoute la mémoire, outil fantastique mais également dangereux lorsqu'il se transforme en extrapolation de situation. L'expérience est un formidable moyen de nous écarter des autres chemins possibles, sauf si elle sert à éclairer au lieu d'enfermer. Elle doit servir à appliquer des méthodes et des modèles mais pas à apporter des solutions sans réflexion. Le copier / coller n'est pas une démonstration d'intelligence. Vivre dans un monde d'incertitudes devrait pourtant nous être familier. Depuis plus d'un siècle, différentes théories physiques et mathématiques décrivent notre univers selon des modèles où la prévisibilité du temps linéaire laisse la place au temps relatif, à l'incertitude et au chaos comme source d'innovation. Qui plus est, les grands mouvements politiques internationaux de ces douze dernières années ont particulièrement mis à mal l'idéologie d'une société durable et continue. Mais malgré cela, nous essayons encore de nous raccrocher à nos racines culturelles d'une stabilité rassurante. La discontinuité nous fait peur car elle est perçue comme une rupture avec le passé. L'arbre dans la forêt n'a pas de rapport direct avec la planète Jupiter ni avec l'alchimie de l'étain. Et pourtant, mon esprit a tissé un lien entre ces idées. En reliant ainsi des objets-mémoires, en croisant des hypothèses et des idées, je peux explorer d'autres voies. La création n'est pas une invention à partir d'un zéro absolu, mais une construction cumulative, un territoire à géométrie variable dont nous pouvons repousser les frontières. Vivre dans un monde d'hypothèses revient à accepter que nos certitudes d'un jour puissent être relativisées puis abandonnées peu de temps après. Peut-être est-ce la véritable Essence de la Vie : explorer, valider des hypothèses, croiser des expériences et des idées, en créer de nouvelles en mélangeant des données en apparence sans rapport. Tournant autour de cet arbre singulier, je n'ai pas manqué de remarquer que sa dimension suggestive variait selon ma position. D'une leçon d'alchimie, il reprend sa verticalité lorsqu'il est observé dans le plan de sa singularité. Puis il s'apparente à un pont végétal enjambant un océan de feuilles en décomposition. Autre exemple : le cube. En nous contentant de ne lui voir qu'une seule face, nous pouvons perdre sa troisième dimension et le résumer à un carré. Nous perdons alors les 5/6ièmes de sa réalité (les 5 autres faces sur les 6 qu'en compte le cube). Les exclure revient à simplifier l'objet à une faible définition de ce qu'il est en réalité. Mais plus amusant encore : il est impossible de voir en même temps deux faces opposées d'un cube, sauf en utilisant un miroir. Or la face opposée à celle que l'on observe ne cesse pas d'exister lorsqu'elle nous est cachée. Il faut donc admettre différentes manières de voir et interpréter, comme différentes composantes d'une même réalité. Celles-ci peuvent paraître opposées voire incompatibles mais n'en sont pas moins vraies. Toi, le bel arbre tortueux au milieu de la forêt, tu me rappelles ce principe fondamental de mon imagination. Couvert d'une fine mousse chlorophyllienne, tu démontres notre formidable capacité à nous éloigner du réel pour mieux l'appréhender et nous y intégrer. De ton tronc effilé aux allures de fouet de géant immobilisé par une méduse forestière, tu m'accompagnes dans ce voyage intérieur où tu y as désormais une place privilégiée. Sois le bienvenu dans mon univers. 1 Il s'agit du test de Rorschach, du nom de son inventeur, le psychiatre et psychanalyste suisse Hermann Rorschach (1884-1922)
Note : sur Voyage immobile, un "tableau" est la combinaison d'une photographie, d'une citation et d'un rédactionnel de l'auteur. | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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